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par Suzy Dryden

Ma nuit chez Maud

Nouvelle

 

La fenêtre nantie de ses volets cabossés s’ouvre sur des champs d’olivier. Il faudrait repeindre les persiennes mais je les préfère ainsi avec la peinture qui s’écaille. Un vert olive bien gris.  C’est ma chambre à Font-Valette. Des toiles d’araignée de toutes les formes inimaginables me rappellent, à chaque fois, que la maison est très vieille et un peu abandonnée. 

J’adore pousser la porte qui grince et sentir une de ces toiles me chatouiller et la retirer de mon visage. Je descends une petite marche et m’y voilà. 

La pièce est bien carrée et proportionnée. C’est la plus belle chambre de la maison de ma grand-mère. Le sol, terre de Sienne brûlée, est inégal, poli et usé. Tout de suite, à droite, un petit lit simple blotti contre le mur. A gauche, un autre lit un peu plus grand avec une étagère au-dessus. Je devine mes livres préférés. Ils sont tous recouverts proprement avec du papier kraft brun. J’en prends un et je le renifle. Il sent trop bon.  Sur les étiquettes, l’encre passée a effacé quelques lettres mais je reconnais tout de suite Michel Strogoff.

Sous la fenêtre, se trouve une petite table de chevet avec un tiroir. Dans ce dernier, Grand-Mère a laissé des crayons et des papiers pour dessiner et parfois un nouvel objet qu’on avait oublié comme un gros taille-crayon rouge ou une petite boîte avec des francs dedans.

Si l’on se retourne, l’on remarque quelques marches et une grande porte avec une serrure qui m’a toujours semblée immense. C’est la porte qui mène au grenier mais l’on n’a pas le droit d’y aller parce que, là-haut, le plancher peut s’écrouler et c’est très dangereux. De toute façon, il n’y a pas de clé. 

 

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Dans la chambre, règne une odeur de terre mouillée et de moisi mais une fois que l’on se dirige vers la fenêtre pour ouvrir en grand les volets et se plonger dans la vue…. Là, à chaque fois, les yeux émerveillés, je fais une pause pour respirer l’odeur du thym et du romarin.

Il n’y a pas grand-chose dans cette chambre : deux lits, une fenêtre, une table de chevet, même pas de chaise. Ah. J’allais oublier : un pot de chambre blanc. 

Au mur, à droite, une grande affiche de cinéma où l’on voit le titre en grand “Ma nuit chez Maud”. C’est un film connu, peut-être que vous le connaissez. Je me souviens bien quand j’étais petite, la lune parfois venait éclairer le visage de Maud. Cela me faisait peur et comme il y avait un frère ou une sœur pas loin, on s’appelait à tue-tête dans la maison pour demander qui voulait bien “dormir avec nous”.  Je nous revois, un été, trois dans le même lit, pelotonnés les uns contre les autres. Des frissons, des fous rires, des sursauts à volonté. Surtout, quand soudain, l’on entendait les pas des mulots ou des rats (d’ailleurs !) qui galopaient dans le grenier. 

Font-Valette, la maison qu’on appelle aussi “le petit paradis provisoire” n’existe plus dans la vie mais il suffit que j’entende son nom ou le chant des grillons pour écrire sur une page blanche avec l’écriture d’une enfant, ronde et confiante :

“Voici les vacances”.

« Hommage à toi, François »